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"Les enfants gâtés de sociétés nanties..." (citation de Camille Saint-Jacques)

lundi 15 août 2005, par kl loth

- En tant qu’artiste et critique d’art, quel regard portez-vous sur la création actuelle ?

- Un regard d’enfant émerveillé. La profusion des genres, des pratiques, des métissages, des informations, est saisissante et vertigineuse. J’allais ajouter qu’il n’y avait "pas de mots pour le dire". Et en effet, je crois que face à ce tourbillon, la critique a vraiment beaucoup de mal à suivre. En tant qu’artiste, les choses sont plus simples. Je ne peux plus me promener dans Paris sans que mon imagination soit stimulée par une affiche, un élément de design, une musique, un graffiti ou un tag... J’ai l’impression, peut-être à tort, que ce n’était pas aussi intense il y a trente ans, ne serait-ce que parce que la ville était alors moins cosmopolite. Comme je suis plutôt contemplatif, cela me rend la vie plus belle. En même temps, mon appétit pour l’activité artistique s’en trouve aiguisé. Je redécouvre le goût du dessin, l’ivresse que procure la liberté de n’avoir qu’un crayon et du papier. Je pense vraiment qu’on ne prend pas assez conscience du fait que nous vivons aujourd’hui dans une poignée de pays riches et démocratiques où les opportunités créatives sont, pour la première fois de l’Histoire, quasi illimitées. Je ne dis pas que l’art d’aujourd’hui est meilleur ou pire qu’autrefois, mais seulement que les ouvertures n’ont jamais été ce qu’elles sont pour nous, dans nos petits îlots de richesse, de démocratie, d’éducation, de santé publique... Nous prenons trop souvent des poses de souffre-douleur alors que nous sommes les enfants gâtés de sociétés nanties.

(Extrait de : “Trois questions à Camille Saint-Jacques. Propos recueillis par Claire Gilly”, Le Monde, 21/11/02, à propos de la parution du livre Arts contemporains 1950-2000, ouvrage collectif sous la direction de Camille Saint-Jacques, coédition Autrement/Sceren-CNDP, 448 pages illustrées en couleurs)

Un point de vue intéressant, d’autant plus qu’il va plutôt à l’encontre de ce qui est exprimé sur secret-wound.

La question de la diffusion, de la communication des travaux artistiques est ici complètement éludée.

L’accès aux moyens de fabrication, la possibilité de se déployer, de s’exprimer dans l’espace ne semble pas pour Camille Saint-Jacques un problème. Pourtant, même au sein de sociétés nanties, nous ne sommes pas tous des enfants gâtés !

Reste le papier et le crayon... certes. Certains feront des merveilles, d’autres personnes ne s’épanouiront qu’avec d’autres techniques.
La question de l’inspiration, de l’imagination dépend de la richesse de l’environnement. Elle dépend aussi de la curiosité de chacun. Pour ce qu’il en est d’il y a trente ans... je souhaite simplement rappeler cette scène du film de Henri-Georges Clouzot, La Prisonnière (1968), où un artiste lors d’un trajet en train de banlieue, trouve en observant le paysage qui défile l’inspiration qui lui permettra de réaliser de nouvelles pièces.

La remarque concernant la critique est judicieuse. De manière générale nous assistons à un foisonnement “exponentiel” des sensibilités et des créations ; foisonnement qui se laisse de plus en plus difficilement analyser, classer, réduire...

Je n’ai pas lu le livre en question, destiné selon les propos de C. Saint-Jacques, à “un public curieux mais néophyte”. Seulement feuilleté... le contenu en semble riche.

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